vendredi 3 janvier 2014

La laine oui, mais laquelle ? L'Angora


Happy Fanny - La laine
Laine teinte traditionnelle
La laine est filée depuis les débuts de la sédentarisation de l'Homme. Le mouton a ainsi été domestiqué entre le VIème et le VIIIème millénaire avant JC, la chèvre vers les 10.000 avant JC.
Pour filer les fibres, et d'abord la laine, l'Homme a commencé en utilisant ses mains et sa cuisse qui servait à rouler la fibre. Puis, grâce à une petite tige de bois fixée sur un poids en terre, cuite ou non, en pierre, en os (la fusaïole) le travail est devenu plus rapide et plus régulier.
Cet outil, le fuseau, a été utilisé jusqu'à récemment parce qu'il pouvait s'emmener partout. (Nous avions abordé cette technique dans l'article "le filage à l'ancienne").
Aujourd'hui ; après le billet sur le mohair ; nous vous présentons le second d'une série de billets qui vont vous faire (re)découvrir les différentes laines existantes. Des matières qui entrent, ou non d'ailleurs, dans la composition de nos "Fannettes".
C'est le cas pour l'angora et nous nous en expliquerons plus loin...

Angora ?

La laine angora est issue des poils de lapin angora. L'angora résulte d'une mutation génétique qui touche plusieurs animaux de différentes familles : le lapin, la chèvre, le chat, le cobaye... Contrairement à une idée répandue, c'est donc par analogie avec d'autres animaux en provenance de la région d'Ankara en Turquie, que le nom d'angora a été attribué, tandis que cette petite boule de poils semblerait être originaire du Royaume-Uni.
Cet animal est totalement inadapté à une vie sauvage. D'abord parce que son pelage important est une entrave à la fuite face aux prédateurs (hommes, renards...), ensuite parce qu'il gêne considérablement l'évacuation des calories produites par l'organisme notamment dans des régions ou pays à températures plus élevées. Sa présence relève donc presque du miracle et est liée essentiellement au fait que l'homme ait pu parvenir à en faire l'élevage que l'on nomme par ailleurs la cuniculture.

Un peu d'histoire...

Les plus anciens fossiles de lapins ont été retrouvés en Espagne, pays dont l'animal semble originaire. Leur apparition dans la péninsule ibérique ; plus précisément en Andalousie ; remonterait au pléistocène moyen.
On retrouvera ces animaux en quantités importantes essentiellement dans le sud de la France vers 75.000 ans avant notre ère. Si son mode de vie exclusivement sédentaire le confine dans des aires dont les limites sont imposées par des obstacles naturels tel que les cours d'eau qu'il ne peut franchir, dès lors que les conditions le lui permettent sa propagation devient calamiteuse.
Déjà dans l'Antiquité on signale la présence du lapin aux Baléares, probablement apportés par des Ibères. C'est par le biais de ces derniers que les Romains feront connaissance avec l'animal. Les phéniciens fondent leur premier comptoir dans la péninsule vers 1000 av.J.C. Ils sont surpris d'y découvrir des populations importantes de petits mammifères creusant des terriers. Comme les lapins ; jusqu'alors inconnus par eux ; ressemblent aux damans, ils appellent cette contrée le «pays des Damans» ce qui, en phénicien, se dit : «I-Saphan-Im». Repris par les Romains, la traduction en latin donnera Hispania...
Le lapin angora est décrit pour la première fois en 1708 par un anglais comme «a white shock turkey rabbet», littéralement «lapin de Turquie à tignasse blanche». La toison de ce dernier ; vivement appréciée par la classe aristocratique anglaise de l'époque ; oblige les autorités du pays à en interdire l'exportation, de ce qui deviendra vite un produit de luxe, afin de conserver le monopole de la production.

Le lapin angora en France

Ce dernier est introduit en France en 1723 ; probablement de façon clandestine par des marins anglais ; via la ville de Bordeaux, plaque tournante du commerce avec le Royaume d'Angleterre. Très apprécié pour la qualité de sa toison, les Français ne tardent pas à se lancer à leur tour dans l'élevage de ce petit mammifère. Vers 1765 les productions sont cependant encore réservées à l'élite en place. C'est à partir de la seconde moitié du 19ème siècle que l'élevage prendra de l'extension (Jura, Savoie, Bourgogne) et qu'une partie de la production sera alors exportée vers... l'Angleterre.
Vers la fin du 19ème, les élevages se multiplient et s'étendent désormais en Basse Seine, en Maine et Loire, le Centre Ouest. C'est d'ailleurs dans cette région que la production française sera la plus importante. Angers puis plus tard Nantes en devenant le centre.
Vers 1930 la production s'élève à 90 tonnes. En 1945, à la sortie de la guerre, le chiffre atteint même 140 tonnes. Malgré des difficultés liées à une productivité insuffisante, un marché et des cours instables, la production se chiffre à plus de 200 tonnes dans les années 60.
Commence alors un long déclin. D'abord parce que les Etats-Unis, principal client, cesse l'importation en provenance de notre pays. Ensuite, parce que la loi de l'offre et de la demande et l'arrivée sur le marché de pays comme la Tchécoslovaquie et la Chine ; qui pratiquent une politique de prix cassés ; provoque un fort tassement des cours. Conséquence, des milliers de petits élevages français ferment. La production se stabilise alors aux environs de 55 tonnes par an. Elle remontera un peu au cours des années 80 avec de nombreuses créations d'élevages de petite densité (100 à 300 animaux).

La laine angora

L'appellation angora désigne uniquement le poil de lapin angora à l'exclusion de toute autre sorte de poil textile. Son code ISO est désigné par l'acronyme suivant : WA (W : Wool, A : Angora). Le mohair , poil de la chèvre angora, est quant à lui désigné sous le symbole WM (W : Wool, M: mohair). Le poil de lapin est quant à lui désigné sous le code HK (H : Haar, K : Kaninchen).
L'angora est donc classé comme une fibre textile noble ce qui tient plus à sa qualité qu'aux volumes produits : 8.000 tonnes par an (dont 2.000 absorbées par le seul Japon) à comparer aux 22.000 tonnes de mohair et aux... 2 millions de tonnes de laine de mouton!

Les propriétés

La longueur
L'une des principales propriétés d'une fibre textile, outre ses capacités de résistance aux frottements et à la traction, est sa longueur. Ce qui différencie un lapin angora ou non est justement la longueur de ses poils. Pour un angora de haute qualité, la longueur minimale des fibres doit être de 6cm. En dessous, le désagrément évident des articles conçus avec un laine de mauvaise qualité est de répandre des poils partout.
Pour rappel, celle d'un lapin ordinaire atteint au maximum les 4cm.
La finesse
On utilise un système de mesure, le numéro métrique (Nm[*])) qui définit le rapport de la longueur obtenue en m (ou km) avec un kilo de matière.
Pour les fils d'angora cardé, utilisés pour la confection de vêtements, on obtient une valeur de 18.000m. Cette valeur peut s'étendre à 56.000m pour des sous-vêtements et 180.000m par l'utilisation de procédés spéciaux. A comparer au fil de soie qui atteint les 250.000m. L'angora permet donc aussi de réaliser des fils très fins.
Utilisation
L'absence de pigmentation, notamment chez la race française albinos, la blancheur éclatante du poil offre des possibilités de teinture infinies.
Absorption d'eau et confort
La kératine peut absorber jusqu'à un tiers de son poids sec sans paraître mouillée. Il en résulte que des vêtements conçus en angora, préserve l'individu qui les porte de chocs thermiques en permettant à son corps de s'adapter à ces changements. L'eau de transpiration est évacuée sans ruissellement ni effet de froid.
La laine angora est donc unique par sa légèreté, son toucher, et la chaleur qu’elle offre. Elle est environ 9 fois plus chaude que la laine de mouton.

La récolte

En allemagne l'animal est tondu. En France, il est généralement épilé au peigne tandis que les chinois pratique une méthode d'arrachage total de la toison à la main. Cette façon de procéder, absolument ignoble, a provoqué un tel scandale il y a peu, que certaines marques n'ont pas hésité à bannir de leurs catalogues tout produit à base d'angora. D'autres non, ou pas vraiment. Certaines d'entre elles se sont contenter de quelques effets d'annonce... malheureusement.
C'est le cas par exemple, faisons leur un peu de publicité, des marques H&M et Zara en particulier qui tardent à réagir, ou louvoient, face à ce qu'il est convenu d'appeler un traitement inhumain des animaux. Combien d'autres sont dans ce cas ?
Nous ne mettrons pas en ligne la video faite en Chine par l'organisation de protection des animaux PETA. Si vous voulez visualiser cette dernière, nous vous invitons à vous rendre sur leur site. Nous préférons vous prévenir qu'il vaudrait mieux éviter de montrer ces images à des enfants tant elles sont insoutenables.

La problématique de la provenance

C'est un sujet épineux et douloureux à aborder mais auquel il nous parait inutile de vouloir nous soustraire. Force est de constater que le commerce international, soi-disant sous contrôle, autorise ; par négligence ou par cynisme et cupidité ; la mise en place de pratiques extrêmes. Nous voulons parler de celles qui portent atteinte à l'intégrité physique et morale d'animaux et d'êtres humains. Ceci n'est pas acceptable sous quelque condition que ce soit.
C'est pourquoi le doute n'a pas de place dans notre esprit sur la façon de réagir face à ces politiques et aux comportements scandaleux qui en découlent. Et encore moins dès lors que notre passion consiste à concevoir des jouets pour les enfants.
Il n'est pas question ici d'écologie ; terme galvaudé par excellence ; de "normes" ou de "lois" qui ne seraient pas respectées, de commerce déloyal ou de tout autre chose de cet ordre. Il est tout "simplement" question du respect fondamental de la Vie.
Cependant, comme il serait facile d'accabler tout un peuple sur des pratiques honteuses en l'affligeant du monopole des mauvais traitements infligés aux animaux. En nous aveuglant nous nous éloignerions, malheureusement, de la triste réalité. Et le réveil risquerait d'être pénible...
Le libéralisme, le vrai (!..), affirme le principe de la liberté et de la responsabilité individuelle. Soyons donc tous responsables, nous en avons encore la liberté !
C'est pourquoi nous préférons boycotter tout produit susceptible de ne pas respecter, de quelque façon que ce soit, les "règles du jeu". Et que dans le doute, nous préférons nous abstenir et passer du temps à vérifier qu'un produit soit respectueux des critères que nous nous sommes fixés.
C'est pourquoi nous privilégions les circuits courts entre le producteur et le consommateur parce nous voulons parvenir à un commerce maitrisé, responsable, équitable et respectueux de tous. A notre humble niveau...

Principales sources de cet article:
1. Le lapin angora
Par Jean Rougeot,René-Gérard Thebault
ISBN : 2863260650 23€
2. Article Le Parisien du 19/12/2013 - Delphine Perez

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