samedi 23 août 2014

Une Fannette dans l'Altaï

Barbara poupée Waldorf - ©Happy Fanny
Altai
Altai
Altai
Altai
Barbara Fannette Waldorf ©Happy Fanny
C'est arrivé. Les mois ont passé puis les semaines pour enfin déboucher sur les jours. Et là, si on y pense, on se dit que les choses vont durer encore un peu. Puis, le jour fatidique, celui que l'on a tant redouté en sachant qu'on le maudira après, finit par arriver.
Alors on fait semblant, on trouve des arguments - parce qu'il le faut bien - et l'on s'oblige à sourire pour ne pas "dire" à l'autre que le moment est pénible. Faux-semblant général. On se raisonne. On se promet silencieusement de ne pas craquer. Pour l'autre. Pour les autres. Pleurer serait terrible et ne changerait rien aux choses.
Notre chère Amie, tu vas rentrer dans ton pays et tu ne sais probablement pas à quel point tu nous manques déjà. Tu vas t'envoler vers cette Sibérie si souvent caricaturée, résumée à quelques mots négatifs, à un énorme glaçon ceinturé de barbelés, dans l'imaginaire collectif des “occidentaux“. Une terre rude et pourtant si belle, si sauvage. Une terre d'Hommes et de Femmes aussi. Ah tous ces mots que l'on aurait voulu dire et que nous avons enfermés, par pudeur ou idiotie, au fond de nos prisons intérieures. Et de quelle bêtise il aura fallut encore faire preuve, pour se forcer à les oublier, venu le moment du dernier appel de la main. Un cri silencieux qui s'envola du haut d'un tapis roulant d'aéroport pour se perdre, comme on s'égarerait nous-mêmes, dans la lueur blafarde de ce jour tant redouté. On en maudit déjà la peur qu'on a eu d'en dire trop.
Tu as souhaité emmener avec toi Barbara, une de ces Fannettes Waldorf que tu auras vu naître, “parce qu'elle lui ressemble“. Ce n'était pas la plus belle à mes yeux mais elle l'était à ton coeur. Je comprends. Qu'elle t'accompagne donc joyeusement vers une nouvelle vie dont elle sera l'amicale témoin.
Un soir je t'avais parlé de l'attachement à la Terre qui transcende, à mon sens, ce que vulgairement on nomme les Etats. On ne résiste pas à son appel. Pas uniquement pour sa beauté ou son histoire mais tout simplement parce qu'au travers de ce qu'elle exprime, nous y puisons ce que nous sommes. C'est pourquoi la conscience de cela se mesure à ce qui nous en sépare. Et ces photos de l'Altaï, choisies parmi celles que tu m'avais données, sont comme des aimants qui finiront par produire leur effet. Petites fenêtres sur des pages d'histoire à écrire. Nous scrutons l'horizon lointain à travers elles, mélancoliques, comme s'il était la clé des souvenirs. Parfois même la vue se brouille tandis que nous voudrions aller au delà et y lire l'avenir. Un jour le soleil resplendira révélant la route, que nous ne pouvions voir jusqu'à présent, serpenter au milieu de l'immensité. C'est alors que nous saurons le moment venu.
Pour l'instant, ces vers de Pouchkine murmurent dans ma tête un chant de consolation. Je suis désormais persuadé qu'un jour le soleil reviendra dévoiler le tracé du chemin.
(...)
Ciel de brume ; la tempête
Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête
Ou gémit comme un enfant.
Mais buvons, compagne chère
D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !
(...)
Soir d'Hiver, Alexandre Pouchkine, 1825.

jeudi 14 août 2014

Patch, sans la moindre hésitation

C'est tombé hier matin. Une nouvelle comme une autre, diront certains, qui ne devrait pas occulter ce qui se passe de triste voir d'horrible ailleurs dans le monde. Je suis assez d'accord avec ce genre d'argument. S'il fallait s'arrêter à chaque évènement nous n'en sortirions plus. Un massacre ici, une calamité ailleurs ; une petite fièvre hémorragique par ici, une famine par là ; un missile par ici, une roquette par là. Les parties de ping-pong planétaires en deviendraient presque banales. Mais après tout, un drame est un drame et nos torrents d'empathie n'y suffisent plus pour rendre la chose supportable. Alors, pour ne pas sombrer dans la folie ou le cynisme, on se blinde un peu, voir beaucoup. En faisant ce que l'on peut pour résister, on tente finalement de ne tomber n'y dans l'une ni dans l'autre. La vie continue...
Nous vivons dans une société de l'information, il faut en supporter les excès tout en essayant de nous en prémunir.
Comment soulager la douleur de l'Autre ? Celle de ce père qui, portant son enfant dans ses bras, hurle son désespoir à la face du Monde dans une langue inconnue ? Ou bien celle de cette grand-mère, interviewée pour un motif futile, qui cache derrière les rides de ses yeux la douleur de sa solitude ? Comment dès lors condamner celles et ceux qui chercheraient à détourner le regard de cette dernière ? Comment la soulager ? Peut-être en commençant par comprendre le pourquoi de notre impuissance afin de pouvoir envisager d'y remédier.
C'est tombé hier matin et j'ai halluciné en constatant la vitesse avec laquelle les hommages, sincères ou non, se seront bousculés sur tous les portails d'information.
Et de ressortir la liste - impressionnante - de films dans lesquels "il" aura pu jouer. A peu près tous les genres. Hum, c'est vrai qu'il était un grand acteur. Et de presque se "battre" pour décider quel meilleur film il aura pu faire. Dans le Figaro c'est celui-ci, dans Libé c'est celui-là, dans le Parisien encore un autre etc. Personne ne risque de se tromper de beaucoup, il n'y a que l'embarras du choix pour trouver une petite perle. Toutefois, ce consensus global, mondialisé, déboule d'une façon tellement fantastique que la chose en serait presque choquante.
J'abandonne vite ce caquetage médiatique aussi futile qu'inutile pour faire remonter de ma mémoire tout ce que j'ai pu voir de "lui". Difficile mais facile à la fois de trouver l'oeuvre au travers de laquelle je conserverai de lui un souvenir impérissable. Tenez, l'histoire de ce type extraordinaire, ce Hunter “Patch“ Adams, dont on aura pu tirer un film passionnant : Dr Patch. Un film que j'ai pu voir - sans me lasser - une bonne demi-douzaine de fois. Oui, ce rôle lui allait à merveille. Deux heures d'humanité pure (aux côtés d'un Philip Seymour Hoffman disparu lui aussi cette année). On y rit, on y grince des dents, on a la chair de poule, on y pleure même sans le moindre scrupule ni la moindre retenue. Et puis, séchant nos larmes, on se rend compte que ce film fait naître en nous une petite étincelle que l'on nomme l'espoir. Oui, il existe des types comme cela sur cette planète. Pour de vrai ? Oui, pour de vrai. Donc tout ne serait peut-être pas perdu. Car ce type, ce “Patch“, existe vraiment. De là, on pense qu'il doit forcément y en avoir d'autres. Au final tout le monde en connait au moins un et pas forcément le même que les autres. Oui, je me souviens, il y a aussi ce Sergueï Koloskov à Moscou. Autre contexte, autre registre mais même type de bonhomme. Un homme qui se bat avec rien pour créer des ilots d'espoir pour tous ces enfants russes trisomiques, avec la même pugnacité.
Ce film comporte une tirade qui semble particulièrement s'imposer au contexte : “Qu'est-ce qui ne va pas avec la mort ? De quoi avons-nous si mortellement peur ? Pourquoi ne pouvons-nous pas traiter la mort avec un peu d'humanité, de dignité et de décence, et même, Dieu nous en garde, avec un peu d'humour ? La mort n'est pas l'ennemie, messieurs. Si nous devons combattre une maladie, battons-nous contre la plus terrible de toutes les maladies, l'indifférence.“
Alors, Robin, si tu rencontres le Tout-Puissant - va savoir - franchement n'hésite pas à lui communiquer ce "fameux excès de bonne humeur" dont tu te faisais le héraut dans ce film. Si cela pouvait l'inspirer pour améliorer l'état de ce monde.
Quant à moi je vais me repasser ce foutu film au cours duquel je ne manquerai ni de rire, ni de m'indigner et encore moins de chialer à loisir. C'est ainsi que, deux heures durant, je vais tomber l'armure et me sentir un peu plus humain. Pour ça, vraiment, merci à toi l'Acteur.
Blue skies ... Smiling at me ... Nothing but blue skies...

dimanche 10 août 2014

Liam : un poupon Waldorf est arrivé

Liam poupon Waldorf ©Happy Fanny
Certains de nos visiteurs ; ainsi que l'Ours par la même occasion ; trouvaient qu'il manquait quelques garçons à notre collection. J'ai dû me rendre à l'évidence que la remarque était plus que pertinente et qu'il n'y avait pas vraiment de raison à cela.
Corriger ce manque ne relevait donc pas d'une sombre histoire de parité. Il y à quelques mois, L'Ours m'avait déjà fait part de ce qu'il pouvait penser de la discrimination positive, arguments avec lesquels je me trouvai immédiatement en phase (et qu'il résume aujourd'hui en parlant de tolérance du feignant).
Une poupée garçon quelle drôle d'idée après-tout me dis-je dans un dernier élan de résistance issu d'un conditionnement pluri-générationnel...
Ne dit-on pas “une“ poupée, associant ainsi un côté exclusivement féminin à l'objet ? Oui, mais si on parle d'une voiture, d'une automobile, d'une “bécane“, personne ne pourra s'empêcher - bien malgré lui ou elle, enfin c'est comme vous voulez - d'attribuer un genre masculin à cette dernière...
La langue française serait-elle bizarre à ce point ou bien serait-ce la société qui le serait ? A moins que les deux ne soient liés. Vaste débat (et on a pas le temps).
M'enfin, pourquoi cette réticence, ce blocage ? Après tout, il s'agit juste d'un personnage. Et pourtant, les poupées sont des filles et les petits soldats sont des garçons. Les unes naissent dans les roses tandis que les autres, bah... c'est dans les choux. Tout le monde sait cela depuis belle lurette !
Alors, que faire pour donner un “genre“ masculin à une poupée qui ne devrait pas avoir de sexe ? L'affubler d'un de ces machins horribles qui camouflerait le personnage pour lui donner un air plus viril? Pour que plus personne ne puisse le retrouver une fois égaré dans le jardin ou au fond de la voiture ? Non... La chose est impensable et puis c'est aussi moche qu'inefficace.
Alors ? Alors, je vais l'habiller de façon classique. Non, je ne lui mettrai pas des “Nike“ parce que (... là aussi on a toujours pas le temps, quoique c'est pas l'envie...).
Classique, avec des matières qui ont - pour certaines - plus d'un demi-siècle parce qu'à cette époque les petites filles et les petits garçons jouaient encore à des jeux d'enfants.
Voici donc Liam, un petit garçon “classique“, mais pas totalement. Liam ? Oui, Liam... Parce que j'en profite pour adresser un petit clin d'oeil à l'Irlande qui nous manque terriblement.
Ah oui, là aussi il y aurait débat. Hum, j'oubliais, prénom hébreu, prénom irlandais... Eh bien moi je pense à cet immense acteur irlandais Liam Neeson qui fut absolument grandiose dans un non moins grandiose film qu'est la liste de Schindler. Voilà, tout le monde trouve-t-il cela plus juste ?

vendredi 8 août 2014

Les teigneuses à la Ferme : après la manifestation

Les teigneuses à la Ferme Bel Air©Les teigneuses / Happy Fanny
Cela aura été un excellent week-end... Voilà comment on pourrait résumer les choses en se montrant réducteur...
Un rendez-vous de Teigneuses, personnellement, je n'avais pas encore eu l'occasion d'en vivre un. Par anticipation et taquinerie je l'avais renommé en Woodstock des teigneuses dans le post précédent. Mais à vrai dire, je ne savais pas de quoi il en retournait exactement.
Certes, le groupe fut loin d'être au grand complet. Mais après tout ce que j'ai pu voir durant ces deux jours, je n'ai aucun mal à imaginer l'effet de 300 rouets en ordre de bataille. Un truc thermopylien...
Très vite, la Teigneuse m'apparaît être un homo sapiens sapiens d'un genre un peu particulier. Capable de rester en place des heures durant à filer puis, prise d'un trop plein d'énergie (c'est le double effet du rouet qui semblerait recharger en même temps les piles de ces dames, enfin c'est théorique), elle se met à bouger, courir, rigoler, à manger des gâteaux, à bricoler, à s'occuper des visiteurs... Parfois c'est une combinaison d'un peu tout cela en même temps et, pour le profane que je suis, cela pourrait finir par donner le vertige. C'est pourquoi il me paraîtrait judicieux de proposer à l'illustre Académie des Sciences une classification particulière pour ce type de femmes : l'Homo Sapiens Sapiens Tingere.
ColoursColours
Mais revenons à nous moutons. Ce qui m'a le plus interpellé dès mon arrivée c'est la multiplicité des couleurs présentes sur les différents stands. Rien à voir avec cette monotone monochromie des marchés modernes seulement rompue par des affiches aussi agressives pour la rétine que pour le porte-monnaie. Ici, tout n'est qu'une succession d'harmoniques chromatiques d'horizons différents qui se superposent, se croisent, se télescopent, sans jamais se transformer en chaos pour composer un ensemble qui éveille les sens. Mes oreilles n'en croient pas mes yeux. Je passe de Wagner à Mozart, en m'attardant sur du Satie ou du Debussy. Tout cela fait remonter en moi des souvenirs d'enfance passés en Afrique, des images magiques à jamais gravées dans ma mémoire.
Magie est le bon mot. Et elle opère. En tout cas sur ma personne, c'est indéniable.
Tout l'espace aura été conquis, y compris le gros tilleul qui ombrage une partie de la grande cour de cette ferme de Bel Air à Villiers-le-Bâcle. Des suspensions géométriques ou des personnages (comme cette poupée revisitée par Dan Delion), réalisées par les filles, y ont pris place comme autant de spectateurs aériens de la fête qui se déroule en dessous d'eux. Ils s'y balancent au grès du vent qui en agite les branches rompant ainsi la monotonie du vert que l'Eté aura pu lui donner. Le tilleul est devenu un arbre à merveilles. Ceux qui jadis passaient au milieu des arbres sans lever les yeux restent le regard rivé sur la ramure de celui-ci pour tenter d'en percer tous les secrets. Je le sens tout ragaillardi par tant d'égards qu'il n'avait pas eu depuis fort longtemps.
teigneuse au rouetTeigneuse au rouet
Elles, ne se contentent pas de teindre, elles filent aussi, bien évidemment. Au fuseau comme au rouet. D'ailleurs laquelle n'aura pas apporté ce fameux matériel, que dis-je, cette excroissance d'elles-mêmes ?
Mais il n'y a pas que cela. Elles feutrent aussi et plutôt avec talent. Bref, si elles s'appellent les Teigneuses, ce qui est un peu réducteur, dire qu'elles touchent à tout ne l'est pas. Une teigneuse a l'air d'avoir plus d'un tour dans son rouet. Elles font ainsi preuve d'une créativité incroyable avec cette matière première, cette laine qui nous rassemble toutes et tous. Avec elles, les résultats sont splendides et la laine revêt bien des apparences. Celle par exemple qui réveille les papilles des enfants en inspirant des envies de barbe à Papa. Eh oui, on en mangerait. Avec elles il devient impossible de regarder un pull-over, une écharpe, un gilet ou même des mitaines comme on pouvait ne pas le faire auparavant...
FeutrageFeutrage
D'où viennent-elles ces Teigneuses ? De partout. De Belgique, du Nord, de PACA, de Rhône-Alpes, de Midi-Pyrénées, de la Région Parisienne, de Bretagne, du Centre...
On discute, on échange, on partage, on est finalement pas très loin de l'esprit de Woodstock.
Alexandre, un Australien de passage dans le coin, hallucine un peu lorsque je lui explique de quoi il en retourne exactement.
J'observe ces femmes, ce qu'elles réalisent et je me fais maintes fois la même réflexion : "Il y a du talent dans ce pays alors qu'on voudrait nous faire passer pour une nation de déprimés, de bons à rien !". Des pensées positives surgiront ainsi tout au long du week-end au gré de mes visites aux différents stands.
Il y a plus de vingt ans lorsque j'ai commencé à utiliser Internet nous étions persuadés que cela allait, tôt ou tard, révolutionner la vie de millions de personnes. Voilà un des points à mettre au crédit de la toile : elle aura contribué à ce que ce week-end puisse avoir lieu plus facilement.
Mais rendons à César ce qui doit l'être... Sans les filles pour organiser tout cela, la Ferme de Bel Air et ses bénévoles (celles et ceux que je pourrais oublier, bien involontairement, voudront bien me pardonner), rien de tout cela n'eût été possible.
Mesdames, vous m'avez épuisé rien qu'à vous observer. Et pour un ours comme moi ce fut vraiment un très bon week-end. Je suis reparti l'esprit plein de couleurs et d'idées, le coeur gonflé par tant de sympathiques rencontres. Et rien que pour ça je vous dis un Grand Merci!
Alors, en ce qui me concerne, soyez-en sûres et certaines : « I'll be back...» ;-)

L'Ours