jeudi 14 août 2014

Patch, sans la moindre hésitation

C'est tombé hier matin. Une nouvelle comme une autre, diront certains, qui ne devrait pas occulter ce qui se passe de triste voir d'horrible ailleurs dans le monde. Je suis assez d'accord avec ce genre d'argument. S'il fallait s'arrêter à chaque évènement nous n'en sortirions plus. Un massacre ici, une calamité ailleurs ; une petite fièvre hémorragique par ici, une famine par là ; un missile par ici, une roquette par là. Les parties de ping-pong planétaires en deviendraient presque banales. Mais après tout, un drame est un drame et nos torrents d'empathie n'y suffisent plus pour rendre la chose supportable. Alors, pour ne pas sombrer dans la folie ou le cynisme, on se blinde un peu, voir beaucoup. En faisant ce que l'on peut pour résister, on tente finalement de ne tomber n'y dans l'une ni dans l'autre. La vie continue...
Nous vivons dans une société de l'information, il faut en supporter les excès tout en essayant de nous en prémunir.
Comment soulager la douleur de l'Autre ? Celle de ce père qui, portant son enfant dans ses bras, hurle son désespoir à la face du Monde dans une langue inconnue ? Ou bien celle de cette grand-mère, interviewée pour un motif futile, qui cache derrière les rides de ses yeux la douleur de sa solitude ? Comment dès lors condamner celles et ceux qui chercheraient à détourner le regard de cette dernière ? Comment la soulager ? Peut-être en commençant par comprendre le pourquoi de notre impuissance afin de pouvoir envisager d'y remédier.
C'est tombé hier matin et j'ai halluciné en constatant la vitesse avec laquelle les hommages, sincères ou non, se seront bousculés sur tous les portails d'information.
Et de ressortir la liste - impressionnante - de films dans lesquels "il" aura pu jouer. A peu près tous les genres. Hum, c'est vrai qu'il était un grand acteur. Et de presque se "battre" pour décider quel meilleur film il aura pu faire. Dans le Figaro c'est celui-ci, dans Libé c'est celui-là, dans le Parisien encore un autre etc. Personne ne risque de se tromper de beaucoup, il n'y a que l'embarras du choix pour trouver une petite perle. Toutefois, ce consensus global, mondialisé, déboule d'une façon tellement fantastique que la chose en serait presque choquante.
J'abandonne vite ce caquetage médiatique aussi futile qu'inutile pour faire remonter de ma mémoire tout ce que j'ai pu voir de "lui". Difficile mais facile à la fois de trouver l'oeuvre au travers de laquelle je conserverai de lui un souvenir impérissable. Tenez, l'histoire de ce type extraordinaire, ce Hunter “Patch“ Adams, dont on aura pu tirer un film passionnant : Dr Patch. Un film que j'ai pu voir - sans me lasser - une bonne demi-douzaine de fois. Oui, ce rôle lui allait à merveille. Deux heures d'humanité pure (aux côtés d'un Philip Seymour Hoffman disparu lui aussi cette année). On y rit, on y grince des dents, on a la chair de poule, on y pleure même sans le moindre scrupule ni la moindre retenue. Et puis, séchant nos larmes, on se rend compte que ce film fait naître en nous une petite étincelle que l'on nomme l'espoir. Oui, il existe des types comme cela sur cette planète. Pour de vrai ? Oui, pour de vrai. Donc tout ne serait peut-être pas perdu. Car ce type, ce “Patch“, existe vraiment. De là, on pense qu'il doit forcément y en avoir d'autres. Au final tout le monde en connait au moins un et pas forcément le même que les autres. Oui, je me souviens, il y a aussi ce Sergueï Koloskov à Moscou. Autre contexte, autre registre mais même type de bonhomme. Un homme qui se bat avec rien pour créer des ilots d'espoir pour tous ces enfants russes trisomiques, avec la même pugnacité.
Ce film comporte une tirade qui semble particulièrement s'imposer au contexte : “Qu'est-ce qui ne va pas avec la mort ? De quoi avons-nous si mortellement peur ? Pourquoi ne pouvons-nous pas traiter la mort avec un peu d'humanité, de dignité et de décence, et même, Dieu nous en garde, avec un peu d'humour ? La mort n'est pas l'ennemie, messieurs. Si nous devons combattre une maladie, battons-nous contre la plus terrible de toutes les maladies, l'indifférence.“
Alors, Robin, si tu rencontres le Tout-Puissant - va savoir - franchement n'hésite pas à lui communiquer ce "fameux excès de bonne humeur" dont tu te faisais le héraut dans ce film. Si cela pouvait l'inspirer pour améliorer l'état de ce monde.
Quant à moi je vais me repasser ce foutu film au cours duquel je ne manquerai ni de rire, ni de m'indigner et encore moins de chialer à loisir. C'est ainsi que, deux heures durant, je vais tomber l'armure et me sentir un peu plus humain. Pour ça, vraiment, merci à toi l'Acteur.
Blue skies ... Smiling at me ... Nothing but blue skies...

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