dimanche 9 février 2014

La laine oui, mais laquelle : L'islandaise


Happy Fanny - La laine islandaise
Laine teinte traditionnelle
Difficile d'aborder la laine sans être amenés à parler d'un pays de légendes, d'une terre de glace et de feu : l'Islande. L'Islande aurait été découverte dès l'époque romaine (IIIè siècle avant JC) par l'explorateur grec Pythéas originaire de Marseille. A la fin du VIIIème siècle après J.C des moines irlandais s'y seraient installés. Mais c'est à partir du IXème siècle, en 874 après J.C, que la colonisation de l'Ile commence par des familles d'origine Norvégienne et quelques Suédois. Elle durera jusqu'en 930. A cette époque environ 6.000 personnes occupent l'île. Aujourd'hui ils sont un peu plus de 310.000.
Lorsque les colons vikings sont arrivés en Islande, ils étaient accompagnés de deux races d'animaux d'élevage qui allaient décider de leur survie sur une terre hostile : le cheval et le mouton.
Le cheval a été utilisé pour le transport et les travaux tandis que les moutons ont été la clé de la survie de ces gens qui pouvait trouver en lui aussi bien la nourriture - viande et lait - que la laine pour se vêtir chaudement dans un pays où la température moyenne au cours de l'été oscillent entre 10°C et 13°C.

Le mouton Islandais

Moutons islandais
On peut donc affirmer que sans leurs moutons, ces pauvres gens qui avaient fui leur pays d'origine, la Norvège, n'auraient probablement pas survécu à quelques hivers.
Mais l'Homme s'est accroché à "son" île. Il s'est adapté à cet environnement et les animaux qu'il avait apportés en ont fait de même. Ce pays a profité d'un isolement très important durant une très longue période. Ceci lui a permis de conserver sa langue (le vieux norrois, la langue des vikings), un folklore, des traditions artisanales qui ont très peu évolué durant de nombreux siècles. Et ce, malgré l'occupation Danoise qui durera du 14è siècle à la fin de la première guerre mondiale.
Il en est de même pour les chevaux et les moutons. Ces derniers, ont pu s'adapter et évoluer au cours de près de 1100 ans d'exposition au climat sub-articque. Ils n'ont subi au cours de tout ce temps aucune hybridation avec une autre race.
Leur rumen s'est totalement adapté au fil des siècles à une alimentation exclusivement basée sur le fourrage local, l'Islande ne produisant aucune céréale. L'animal se contente donc du peu que la nature met à sa disposition.
Les moutons ont un corps trapu recouvert d’une toison épaisse comme on peut s'en rendre compte sur la photo. Leur museau est long, les pattes courtes. Ils vivent en totale liberté de mai à septembre, par petits groupes de deux à trois animaux et non en grands troupeaux. Une fois par an, en septembre, les propriétaires parcourent la lande à cheval pour les rassembler dans de grands enclos. Là, ils y seront triés et rendus à leurs propriétaires respectifs.

Un animal particulier

La vie de certains bergers et animaux auraient pu être sauvées grâce à l'instinct de ralliement très présente chez cette race islandaise. Ce mouton aurait ainsi la rare capacité de sentir l'arrivée d'une tempête ou d'un autre évènement naturel préjudiciable au troupeau. L'animal leader serait ; dans ce genre de situation ; capable de rassembler et de mener ses congénères vers un abris. Pris dans des tempêtes de neige, des bergers auraient eux-mêmes été guidés par ce type d'animal jusqu'à leur bergerie.
Légende ou vérité ? Toujours est-il que les moutons islandais tiennent une place particulière dans ce pays. Ce qu'il faudra en retenir c'est que l'on pourrait difficilement trouver une race de moutons plus utile et productive que celle-ci, ni mieux adaptée à un tel pays.
L'île possèderait un cheptel de 700.000 têtes ce qui représente 2 fois la population islandaise.
Malgré cette rusticité générale, n'allez pas croire que l'Islande est un pays où le temps et l'évolution se sont arrêtés il y a plus de mille ans. Ainsi, le parlement Islandais, l'Althing, créé en 930 après J.C est le plus vieux parlement du monde.[1]

Mutation génétique

Agneau islandais
Une autre adaptation de cet ovidé a débouché sur une mutation génétique lui permettant une fertilité accrue. Ce gène est appelé "Thoka", du nom de la première femelle chez qui il a été détecté.
Ainsi il n'est pas rare qu'une brebis puisse avoir une portée de 3 à 6 agneaux viables. Ce gêne serait transmissible à d'autres races (l'expérience a été tentée en Ecosse) par hybridation. Tandis que le renforcement de la race locale par croisement avec d'autres se sont soldées par des échecs.
Un gène de ce type ; Booroola FecB ; a été détecté dans les années 80' chez le Mérinos australien et son introduction chez d'autres races a commencé dans les années 90'. C'est le cas chez cinq races de moutons en France dont le Mérinos d'Arles.

La laine

Laine islandaise
La laine de cette race de moutons possède de nombreuses caractéristiques type tant au niveau des fibres intérieures qu'extérieures. Ces dernières sont longues, glacées, dures et résistantes à l'eau, tandis que celles de l'intérieur sont très douces et possèdent un très fort pouvoir isolant.
La longueur de la fibre peut atteindre 18cm. L’un des poils de mouton les plus longs du monde. Tissée ou tricotée, elle conserve son pouvoir imperméable. Les vikings utilisaient d'ailleurs cette laine pour tisser les voiles de leur navire (feutre) tandis que pour celles de navires de prestige on utilisait une matière plus rare et plus chère : le lin...

Une palette de couleurs

Une autre caractéristique frappante des moutons en Islande sont leurs couleurs naturelles: noir, gris et brun ainsi que l'habituel blanc avec toutes les variantes que la nature peut s'amuser à décliner à partir de cette palette les combinant avec différents motifs. En tout, pas loin d'une vingtaine de combinaisons sont généralement constatées. Blanc, crème, pêche, diverses nuances de gris, bleu-gris, ardoise, gris argenté, chocolat (moorit), divers noirs, (brun-noir, bleu-noir, argent, noir de jais) tan, flocons d'avoine, lavande et champagne.

Les fibres

La laine interne - appelée «Thel» - est douce et très fine. Elle peut être utilisée pour faire des sous-vêtements et des vêtements de bébé. On l'utilise aussi pour réaliser de très beaux châles.
La laine extérieure - Appelé «Ens» - pousse comme nous l'avons vu jusqu'à 18 cm de long. Lustré et forte, elle est utilisée pour tisser des couvertures, des tapis, la broderie et la tapisserie.
L'Ens est filé avec le thel pour fabriquer le fameux Lopi, un chandail de renommée mondiale. Un vêtement extrêmement chaud conçu pour affronter des conditions climatiques difficiles.
Lorsque différents motifs de toisons sont filés ensemble ils produisent un vrai fils de tweed qui ressemble à du mohair.

Une laine de qualité

Logo Icelandic Wool
La teneur en lanoline de la laine islandaise est seulement d'environ 20 à 25%, à comparer aux 50% des moutons "modernes".
Cette laine, une fois lavée, est parmi celles qui perd le moins de poids.
C'est pour les raisons évoquées ci-dessus que cette laine subit un minimum de traitements afin de ne pas altérer ses qualités premières.
La polyvalence de cette laine, sa facilité de filage et la grande variété de tons et de couleurs font qu'elle est très appréciée pour la confection de vêtements. Elle est également reconnue comme l'une des meilleures toisons pour le feutrage, et gagne donc en popularité dans la communauté de l'artisanat.
Une laine à découvrir absolument.



Approfondir
[1] - Althing Le Parlement Islandais
Il a été créé en 930 après J.C. Il est un système unicaméral ; c'est à dire un parlement avec une seule chambre, sans Sénat donc ; où ses 63 représentants sont élus au suffrage universel direct au scrutin proportionnel plurinominal. Le taux de participation aux élections de 2007, avoisinant les 84%, aurait de quoi faire pâlir plus d'un homme politique français. Tandis que la constitution Islandaise n'a rien à envier à celles d'autres pays.


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