dimanche 15 février 2015

Après Charlie...

... Combien après Charlie!
Bonne année 2015
N ous avons tous été traversés ces dernières semaines par une foule de sentiments extrêmes. Un curieux mélange en fait, oscillant entre la surprise et l'incompréhension, la peur et l'angoisse pour certains ; l'indignation, la colère voir parfois la haine pour d'autres. Aujourd'hui que tout est fini, que le bruit des armes s'éloigne, et avec lui le fracas des larmes, les questions pleuvent et les réponses se terrent dans quelques recoins. A l'abri des soubresauts qui n'auront pas manqué d'en résulter.
Nous ne sommes ni philosophes, ni tribuns et pas même chefs d'états, sénateurs ou députés. Pour nous ; les petites gens écartés du débat par une armée de sages tous plus intelligents les uns que les autres — à vrai dire tous plus effrayés les uns que les autres par le souvenir de ce mercredi 7 janvier et du fort paisible dimanche qui s'ensuivit — tous plus unis que jamais dans la peur — collés les uns aux autres comme un troupeau de moutons ayant senti différents loups s'approcher d'eux ; cette tragédie pourrait se résumer à une seule question. Que pourrions nous faire pour continuer à vivre les uns à côtés des autres avant que le poison de la peur et de la haine ne se soient suffisamment distillés pour commettre des dégâts réparables avant fort longtemps ? Comme ceux que nous pouvons déjà voir à l'oeuvre ces derniers temps et qui révèlent déjà une certaine tangente vers la déraison...

Les Luzûmiyyât ou la nécessité de ce qui n'est (ne parait) pas nécessaire...

Il y a dix siècles de cela, l'immense Poète Syrien Abû al-'Alâ al-Ma'arri (encore interdit de nos jours dans beaucoup de pays musulmans) proposait déjà des pistes menant à une forme de sagesse qui, à y regarder de plus près, n'est pas tellement éloignée de celle qui a traversé notre propre Histoire...
Les Luzûmiyyât [1] ce sont plus de 10.000 vers qui semblent avoir été écrits il y a seulement quelques jours. Un recueil controversé[2], haï même, dans lequel l'impertinence pertinente et le sarcasme sont maniés avec une très grande subtilité par un aveugle clairvoyant qui décochait des mots et des idées aussi aiguisés que des couperets. Un homme qui prônait la raison comme l'on brandit, non pas une épée menaçante, mais une bouée à celui qui se noie.

« Les musulmans se trompent, les chrétiens s’égarent, les juifs sont perplexes et les mazdéens se fourvoient.
Les habitants de la terre sont de deux sortes : un homme sans religion mais doté d’une raison et un religieux qui en est dépourvu »
(L.II, 301)

« Ô toi le naïf, consulte la raison, si tu en as une. Toute raison est un prophète » (L. II, 642).



«Une génération se distinguera-t-elle, un jour, en suivant la vérité...»

Tels sont les vers du poète et si son scepticisme, fortement teinté de pessimisme, étaient ancré en lui si profondément, sa question n'en demeure pas moins une petite fenêtre entrouverte sur un champ d'espoir. Une génération viendra, une autre la suivra...
L'arme ultime contre l'obscurantisme et la barbarie n'est pas faite d'acier, assurément. Cette puissance réside dans l'éducation, ce bain de lumière qui n'a pas besoin d'ombre pour briller. Chaque enfant étant appelé à devenir une petite luciole, une lueur vacillante dans la nuit mais à laquelle viendront bientôt se joindre beaucoup d'autres. Et rien ne peut arrêter cette lumière dès lors qu'elle se met en mouvement, les vieux démons de l'Humanité le savent bien. A nous les imbéciles (sic) utiles de veiller à ce qu'il en soit ainsi en protégeant leur envol. Telle est l'ultime mission qu'il nous aura été accordée de remplir. Et vous n'en trouverez pas de supérieure. Qu'est-ce que l'acier à côté de la main qui le forge ?

Pourquoi Abû al-'Alâ al-Ma'arri ?

Pour rappeler aux uns et aux autres que la culture Arabe fut à une époque rayonnante tandis qu'en Europe nous n'avions pas encore débuté notre Renaissance. Leur dire que nous lui avons emprunté quantité de choses (ce qu'elle avait pu faire aussi de son côté auprès d'autres civilisations, qu'importe car ce fut plutôt heureux ) dans des domaines aussi divers que l'architecture, la musique, la littérature, la chimie, la sidérurgie, l'optique, la médecine, les mathématiques, que sais-je encore. Et pourtant, la Contrainte imposée était déjà la même qu'aujourd'hui, au moins sur le principe. Il serait donc réducteur de la résumer de nos jours à une seule « production » quand bien même cette dernière fût la seule référence qu'en connaitrait — au moins de nom — le plus grand nombre en Occident. Ne pas la réduire, en ces heures sombres, à une bande de gamins paumés et manipulés par des crétins mégalomanes et sociopathes. Ceux-là même qui voudraient imposer des règles "écrites" par quelque minable petit dictateur afin d'asservir le plus grand nombre.

« Il nous est parvenu des hadiths dont le crédit dépend de leur rigueur, mais faible est la référence. Consulte donc la raison. Néglige toute autre instance ! La raison est le meilleur guide qu’ait abrité le cercle » (L.I, 379).


Celles et ceux qui ont des racines Arabes ne devraient-ils pas se pencher sur l'erreur lourde de conséquence qui consiste à laisser décomposer leur image au travers du prisme de la Religion ; toute respectable fût-elle ?
Et ce, d'autant plus lorsqu'ils laissent s'installer des amalgames aux relents parfois nauséabonds. A fortiori, lorsque des hérauts auto-proclamés, s'octroyant le droit de parler en leur nom, entretiennent la méprise de masse par calcul. Stratégie grossière, pour ne pas dire grotesque, qui vise à semer la discorde pour mieux attirer vers eux toutes celles et ceux qui se sentent exclus (à tort ?) du pacte républicain.
Ne devraient-ils pas tout tenter pour infirmer le propos d'un autre grand poète Syrien qu'est Adonis et qui déclarait, au sujet des sociétés Arabes actuelles, qu'« une civilisation qui n'invente rien est destinée à disparaitre...» ( voir la vidéo) ?
Ils en ont assurément toutes les capacités, tant intellectuelles que morales. En tout cas, ils n'en ont pas moins que quiconque, et c'est sans doute ce qui bouleverse le plus Adonis et en interpellent d'autres, dont je fais partie.
Mais ne disposant pas de l'érudition nécessaire pour répondre à tous ces mystères, je ne peux que m'interroger (depuis déjà dix ans) à propos des réactions récurrentes (prétextes fallacieux ou émotions réelles?) face aux fameuses caricatures (sordides ou drôles selon les points de vue) réalisées par des dessinateurs (géniaux ou décadents). Et je suis d'autant plus surpris par cette capacité (justifiée ou non) à s'indigner sur un seul sujet alors que personne ne lève le petit doigt lorsqu'un poète Arabe, disparu depuis dix siècles déjà, continue de faire l'objet d'une lamentable et pathétique censure [3]. A vrai dire, si je suis aussi surpris et envieux de la verdeur du vieil homme, je n'en reste pas moins circonspect face à cette indignation à géométrie variable.
De quoi aurait-on peur exactement ? Les mots ou les dessins seraient-ils à ce point puissants qu'il faille absolument massacrer ceux qui tiennent un crayon ou une plume ? Pire, celles et ceux, petits ou grands, qui lisent les livres ou les journaux. Les sots éprouveraient-ils ce besoin irrépressible de négliger l'intelligence d'autrui pour rendre incontestable leur petite autorité en invoquant des lois dont on ne trouve trace nulle part ?

«... Censure violente...»

« C'est le propre de la censure violente d'accréditer les opinions qu'elle attaque. » disait Voltaire. Plusieurs millions de personnes viennent d'en faire la démonstration. Sans eux, les lecteurs inconditionnels de Charlie Hebdo se seraient gelés dans un coin de la Place de la République, pleurant à l'abris des regards, dans l'indifférence quasi générale. Des millions seront finalement venus leur tenir chaud. En toute liberté, sans directive politiques ou partisanes. Même dans le plus reculé des villages de France, ils seront descendus dans les rues pour clamer silencieusement ce slogan évident, cet attachement indéfectible aux valeurs de la Liberté. Qu'ils aient aimé ou détesté Charlie Hebdo. Et ce détail a son importance que beaucoup ont cherché à occulter. La réponse du Politique, dépassé par l'ampleur du mouvement spontané, ne fut pas totalement innocente. C'est d'ailleurs à se demander ce qui leur aura fait le plus peur, entre trois assassins accompagnés d'une Guillaume Tell façon Kinder Surprise d'un côté et plusieurs millions de personnes d'un autre. Peut-être les deux à la fois, tandis que d'insidieuses tentatives d'infantilisation auraient voulu minimiser la faculté de discernement du Peuple. Ce dernier n'est pas tombé dans ce piège.

Je suis Charlie

Petite phrase brandie comme un talisman contre l'abîme vers lequel quelques pauvres individus voudraient tous nous entrainer malgré nous. Remarquez l'omission du point d'exclamation, traduisant l'absence même de colère ou de haine et, finalement, une inaltérable détermination. On ne négocie pas avec les peurs. On ne négocie avec rien d'ailleurs en pareils moments. Comme par magie, malgré les différences qui parfois nous opposent, nous sommes parvenus à transcender tout ce qui aurait pu se mettre en travers du chemin que nous savions alors être juste. Dans un silence et une paix inébranlables.
Ce fut magnifique. Mais comme j'aurais aimé que cela se produise en d'autres circonstances... Les occasions n'ayant malheureusement pas manqué depuis dix ans, avant que ce drame ne survienne. On ne refait pas l'Histoire.

L'absurde et la certitude


« Moïse prêcha et disparut. Puis Jésus apparut. Vint ensuite Muhammad avec les cinq prières. Une religion nouvelle, dit-on, serait révélée. Et trépassent les vivants entre hier et demain. C’est à haute voix que je profère l’absurde. La certitude, je la confie en longs chuchotements » (L. II, 55).


Chuchotons donc. Car l'Histoire n'a eu de cesse de démontrer au cours des siècles qu'il y a un opium plus puissant pour l'homme que tout autre. Une drogue ? Une drogue qui serait capable de tout balayer en l'espace de quelques heures alors que personne n'avait rien vu venir ? Quelque chose qui ferait peur autant aux puissants qu'à ceux qui se réclament d'un Dieu X ou Y ?
Non pas une drogue, masquant la réalité des choses, mais quelque chose de suffisamment puissant pour ne plus faire craindre la mort quand bien même cette dernière n'aurait rien à promettre [4]. Une Idée tout simplement. Et cette Idée, la seule capable de faire chuter les pires dictatures, des pouvoirs qui paraissaient indestructibles, nous avons pu la voir à l'oeuvre un peu partout dans le monde, que ce soit dans les manuels d'Histoire ou à la télévision. De Paris à Milan ou encore à Lisbonne, de Berlin à St Petersburg en passant par Bucarest, de Saïgon à Alger, de Johannesburg au Caire en passant par Tunis. Partout. Elle est universelle en ce que chaque Homme, de quelque pays qu'il soit, de quelque confession religieuse qu'il puisse être, adopte les mêmes attitudes, les mêmes réactions, la même révulsion dès lors qu'il en est privé. Indépendamment de sa couleur de peau, indépendamment de sa culture, de ses convictions politiques ou religieuses. Elle est une valeur au-dessus de toutes les autres ce qui ; et c'est peut-être cela qui fait peur aux différents maîtres de la servitude ; n'est absolument incompatible avec rien d'autre. Bien au contraire. Car elle est le ciment qui permet à la Différence de se combiner à tout ce qui construit une société et légitime alors l'ouverture d'un champ plus vaste de la Pensée. Car, contrairement à Marx, je ne crois pas que la Religion soit une aliénation mais plutôt l'une des facettes de la pensée humaine. Bonne ou mauvaise, il faut faire avec. Mais, comme lui, je considère qu'elle est un fléau dès lors qu'elle voudrait en devenir l'unique expression.

La Liberté n'est pas négociable...

« […] sans liberté de pensée, il ne peut y avoir de sagesse ; et pas de liberté du peuple sans liberté d'opinion ; celle-ci est le droit de chaque homme tant qu'il ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui. » écrivait Benjamin Franklin. Les règles n'ont pas changé. La Nature, Dieu, Celle ou Celui qui nous a conçu, nous a fait comme cela.
Déjà quelques voix s'élèvent prônant l'autocensure pacifiste [5]. Autocensure pacifiste... Quel drôle de concept. Quel galvaudage du mot pacifiste même. Et de marteler que nous serions la seule Nation sur cette planète à faire preuve d'une telle arrogance voir d'un tel comportant inadapté au monde moderne.
Quel serait donc ce monde moderne qu'il nous faudrait rallier sans plus attendre ? Celui sans doute où les réactions émotionnelles ne manqueraient pas de lucidité (sic) ? Devrions-nous donc nous convertir à l'uniformité mondiale et nous mettre à bêler comme certains ? Pour mieux nous faire tondre ou égorger ?
Interrogeons-nous donc plutôt sur le devenir de toutes celles et ceux qui luttent à travers le monde pour que les valeurs fondamentales des droits de l'Homme — que l'on retrouve par ailleurs dans toutes les religions — soient respectées dans leurs pays respectifs! Allons-nous les lâcher au motif qu'une poignée d'illuminé(e)s veulent imposer leur vision au plus grand nombre et ce, de surcroit, par le crime ? Allons-nous les trahir parce que nous ne serions plus que les derniers à défendre une certaine vision du monde, soit-disant dépassée, au grand dam des vertueux de l'autocensure dont la conscience est le plus souvent dirigée par une allégeance utilitaire ?
Je préfère pour ma part me battre pour que les pires idées soient débattues sur la place publique plutôt que de vivre dans la servitude et la schizophrénie de l'autocensure. Si nous n'avons pas besoin d'extrémistes fanatiques, nous n'avons pas plus besoin d'ayatollah de la mollesse pour parvenir à vivre ensemble. Car rien ne peut se construire sur la ruine qu'entraîne les compromis hypocrites repoussant sans cesse au lendemain la résolution réaliste des problèmes.

... face à l'obscurantisme.

« Dieu maudisse des gens qui, si tu leur apportes les vrais hadiths, crient à l’incroyance » (L.I, 615).

On peut tuer des enfants parce qu'ils ont osé braver un interdit(?) en regardant un match de foot [6]. On peut exciser des femmes par charrettes entières [7]. On peut se réfugier derrière des lois anticonstitutionnelles pour justifier l'emprisonnement dans un no man's land juridique [8], administrer mille coups de fouet à un pauvre blogueur [9] ou envoyer à coup de joystick le missile qui s'écrasera sur un village peuplé d'innocents dans lequel se seraient réfugiés des lâches. On peut répondre indéfiniment à l'incantation "Allah Akbar!" par l'équivalent moderne d'un "Dieux le veut!" [10] aussi basse et folle que la première. On peut défenestrer tous les homosexuels. Vouloir rayer de la carte Israël ou la Bande de Gaza. On peut massacrer des dessinateurs parce qu'ils provoquent le rire et à travers lui forcent la réflexion. On peut tuer tous ceux qui dérangent. Inlassablement, méthodiquement, avec le professionnalisme d'un SEAL ou bien l'amateurisme d'un vaurien entrainé quelques semaines au sud Yémen. Avec quels résultats ?... Absolument aucun. Car aucun problème ne sera résolu de cette manière. Nul répit ne sera accordé, ni aux uns, ni aux autres.
Parce que s'il est évident que l'on ne peut tuer une Idée Universelle ancrée en chaque être humain depuis la nuit des temps, il faut aussi commencer par admettre, une bonne fois pour toute, que la Guerre des Civilisations prônée par un certain G.W. Bush relevait d'un crime organisé inadmissible et écoeurant. D'une tentative de réduire autant l'ennemi déclaré que les libertés individuelles du peuple américain... Lequel avait probablement oublié cette sage recommandation de l'un des pères fondateurs de sa République, Benjamin Franklin :
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux »
Le début d'une solution passe donc d'abord par une prise de conscience. Cette Liberté, si chère à nos âmes, qui se traduit par la Démocratie — parfois imparfaite et discutable — dans nos sociétés occidentales, n'est pas une denrée exportable que l'on devrait administrer de force à son prochain comme un remède miracle.
On ne demande pas à des gens restés trop longtemps dans l'ombre de sortir de leurs abris, où ils ont appris à survivre du mieux qu'ils pouvaient, pour regarder la lumière en face. Laissez leur et le temps et leur libre arbitre pour y parvenir. Avec leur culture, leur vision, leur courage et leur intelligence. A leur façon. Il y a mille moyens de les y aider, en commençant par exemple à apprendre d'eux qui ils sont et d'où ils viennent.
D'autre part, il n'est pas envisageable d'altérer l'intégrité de cette Liberté. Au prix où nous l'avons payée, il serait dommage de la brader ou de la négocier à l'autel de la déraison de celles et ceux qui voudraient l'avilir. Contre quoi d'ailleurs ? Le salut dans l'au-delà contre le salut ici-bas ? Le choix raisonnable et rationnel est tout de suite fait.
Et puis, l'Histoire a fait qu'il nous a été donné d'être l'un des porteurs de cette Valeur Universelle. Lourde responsabilité devant le Monde. Personne n'a jamais prétendu qu'il serait facile de remplir ce rôle.
Cependant, la vocation d'un phare n'a jamais été de sortir les navires de l'abîme, simplement de leur donner un cap pour l'éviter. Paisiblement. Inlassablement. Avec détermination et humilité.

La Raison

« Les gens espèrent qu’un imam viendra parler à la cohorte muette.
Trompeuse conjecture ! Il n’est d’imam que la raison, notre mentor de jour et de nuit »
(L.I, 66).

La raison... Il est tôt, j'aperçois une étoile dans l'azur naissant du ciel, Vénus probablement, qui par ses mouvements m'invite à pointer le nez dehors. On ne refuse rien à une Vénus qui nous invite à jouir de la vie. A l'extérieur, le vent souffle et n'apporte d'abord rien d'autre qu'un froid glacial accompagné du bruissement qu'il provoque en caressant la cime des arbres. Rien d'autre ? Pas tout à fait. Je tends l'oreille, Vénus me parlerait-elle ? Non, mais sa lumière persistante, qui ne veut céder à aucun faux-semblant, est comme un trait qui traverse mon esprit et fait se dresser les mots, les uns après les autres, au milieu de ces visages venus du passé...

« Le mensonge a décimé les habitants de la terre. Sectateurs, leurs enfants n’ont pu se lier d’amitié. N’eût été l’inimitié inhérente à leur nature, synagogues, églises et mosquées n’auraient fait qu’une » (L.II, 125).


Et l'Espoir.

Je souris, parce que 10 siècles après, cher Poète malmené par la vie et tes contemporains, force est de constater qu'ils n'ont pas réussi à te bâillonner. Et qu'après tout ce temps, où l'on croyait perdu dans la poussière des musées la sagesse de ta pensée, il y a encore un souffle qui me force à entendre « ... le rugissement du lion. ». Et ce cri étreint mon coeur tout en le remplissant d'espoir.
J'adresse donc à tous les Charb de la Terre, les Wolinski, Cabu, Tignous, Honoré, Oncle Bernard, à tous les Raef Badaoui, Tarek Bouazizi, aux Kamel Daoud, à toutes les Anna Erelle, Isioma Daniel, à tous les Rafiq Tağı, à toutes celles et ceux avec lesquels je partage une certaine fraternité d'esprit, ce sage propos que tu auras pu écrire et dont les mots se dressent comme autant de remparts colorés face aux bourreaux de la Liberté.

« L'homme courageux n'abrège point sa vie en affrontant les dangers. Le poltron ne la conserve point en multipliant les précautions. »


La solution est donc entre nos seules mains. A bien y réfléchir, je préfère m'en remettre à ces dernières — quitte à ce qu'elles en deviennent calleuses — plutôt qu'à l'un des sommets de ce triangle infernal[11] qui voudrait diriger le Monde, alors que l'Homme en est le centre dans une Nature où la ligne droite n'existe pas.

L'Ours vous salue bien bas.

Post chuchotements
Pour apporter quelques précisions aux humeurs chagrines.
J'ai vécu près de cinquante ans auprès d'un Arabe musulman et d'une Française catholique. Mes parents.
J'ai vécu près de quinze ans auprès d'un athée convaincu, communiste indécrottable et libertaire patenté de surcroit. Ce qui parfois aurait pu le tirailler de façon désagréable. La règle, m'avait-il dit un jour, pour éviter cela, est de toujours écouter sa tête et de ne se soumettre à rien d'autre. Cet homme était mon grand-père.
S'ils devaient être à eux seuls l'exception qui confirme la règle, ils seraient heureux que je puisse clamer qu'il est possible de vivre les uns avec les autres. Sans prosélytisme, avec intelligence, tolérance et respect. Et de devenir quelqu'un qui ne ressemble à aucun d'eux tout en détenant un petit morceau de chacun au fond de soi.
Ils n'auraient pas manqué non plus de me rappeler de ne jamais parler au nom des autres, à moins d'y avoir été cordialement invité. Ni aujourd'hui, ni demain. C'est pourquoi j'assume seul la teneur de tous ces propos.
Cependant, ils m'auront convaincu que la clé réside dans l'équilibre résultant d'une vision mondiale humanocentrique. C'est pourquoi personne ici bas ne parviendra jamais à me convaincre du contraire. Ils m'ont élevé comme ça et je ne les remercierai jamais assez de l'avoir fait.

Notes et Sources
[1]Rets d'éternité Fayard. Traduit de l'Arabe par Adonis (un autre grand poète Syrien émigré en France) et Anne Wade Minkowski.
L'édition est malheureusement épuisée.
[2]• Remerciements à Mr Abdelaziz Kacem Professeur Université La Manouba - Tunis pour son document « Penseur libre ou libre penseur Abû l- ‘Alâ’ Al-Ma‘arrî Revisité.» duquel sont tirés les vers du poète. [3]• Censure en Algérie : En novembre 2007, l"œuvre du Poète était interdite d’exposition au Salon international du livre d'Alger (SILA) sur ordonnance du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs algérien. [4]• Tarek Bouazizi : 17 décembre 2010, la nouvelle de l'immolation de ce jeune Tunisien tombe, dans l'indifférence générale. Il aura suffit de quelques jours pour que le Printemps Tunisien se déclenche. Il est à noter que l'Islam - tout comme les autres religions monothéistes - condamne les suicidaires à la damnation éternelle. [5] Article de dans le Nouvel Obs' «Charlie Hebdo et les caricatures : la liberté absolue n'est ni souhaitable ni viable». Le 28/01/2015 Par François Boespflug Historien des religions. Propos recueillis par Louise Pothier [6]• Daesh massacre 13 enfants : C'était le 12 janvier 2015, l'horreur est à son comble. Daesh massacre 13 enfants pour avoir regardé un match de foot interdit. [7]• Daesh ordonne l'excision de toutes les femmes de Mossoul : Un article de Lucille Quillet - Le Figaro Madame du 24/07/2014. [8]• Guantanamo, un no man's land juridique Procédures judiciaires aux Etat-Unis liées aux détenus de Guantanamo [9]• Raef Badaoui, 30 ans, condamné à 10 ans de prison et mille coup de fouets L'Arabie Saoudite condamne un blogueur à mille coup de fouets et 10 ans de prison pour "insulte envers l'Islam". [10]• "Dieu le veut!" Cri de ralliement des croisés.. [11]• Karthala, coll. « Hommes et sociétés », Paris, 1999, 358 pages, 160 F. Mondialisation : Les mots et les choses.

Aucun commentaire: